On entend beaucoup de choses sur les « Casuals », familièrement « Casu », dans les communautés vidéoludiques ; ils sont souvent pointés du doigt pour leur « nullité » et ce sont toujours les boucs émissaires qui subissent les foudres des joueurs « hardcore » quand un jeu est (ou devient) « trop facile ».

Mais qu’est-ce que réellement un casual ? Et qu’est-ce qu’un casual game ?

Don't touch me, you filthy casual

Ne me touche pas, espèce d’immonde Casual !

QU’EST-CE QU’UN « CASUAL » ?

En français on appelle ça un « joueur occasionnel », c’est donc par définition quelqu’un qui… joue occasionnellement. En pratique, ça se traduit donc par une faible temps de jeu. ET C’EST TOUT !

Voilà, un « casual », c’est juste quelqu’un qui joue peu. Cela n’est pas synonyme d’un faible niveau de compétences contrairement aux idées reçues ; en effet, les joueurs jouant peu contiennent une certaine partie de la population qui ne s’investit pas forcément dans le jeu vidéo, qui ne cherche pas forcément à s’améliorer, et qui a plus de chances d’avoir une expérience et un talent « faibles ». C’est ce qu’on appelle le grand public.

Néanmoins il existe des gens du grand public qui possèdent un temps de jeu de plusieurs heures par jour (ils ne sont pas casual donc) et il existe aussi des joueurs expérimentés/professionnels avec un temps de jeu très faible de l’ordre de quelques heures par mois, qui font d’eux des casuals. Pourtant, en faisant affronter les premiers et les seconds sur un même jeu, il y a de grandes chances que les seconds l’emportent.

QU’EST-CE QU’UN « CASUAL GAME » ?

Tout simplement des jeux qui répondent aux problématiques de leur public cible : le joueur occasionnel. On distingue ainsi quatre caractéristiques :

  • Une durée de partie très courte

C’est la première problématique du casu : il joue peu, ce qui peut se traduire par des sessions de jeu sur créneaux horaires plutôt serrés. Il faut donc qu’il puisse rapidement quitter son jeu et pour ce faire, rien de mieux que de faire des parties courtes (de quelques secondes à quelques minutes). Bien qu’il n’existe pas de chiffre idéal, on peut s’accorder pour dire que moins de 10 minutes en moyenne, c’est déjà une bonne base.

Attention ! Rien n’empêche le joueur de jouer pendant des heures d’affilée : il fera plusieurs parties à la suite, c’est tout.

Par exemple, une partie de Zuma Deluxe équivaut à un niveau du jeu (qui dure entre 2 et 7 ou 8 minutes), rien ne vous empêche de faire plusieurs parties d’affilée. Par ailleurs, Zuma Deluxe est découpé en sur-parties (les chapitres), qui se terminent tous les 9 niveaux si ma mémoire est bonne.

Zuma

Zuma Deluxe (source : Google Images)

  • Une forte accessibilité

Qui dit temps de jeu faible, dit jeu accessible. En effet, le temps que passera le joueur à apprendre les règles, c’est tout autant de temps de jeu perdu. Ainsi, le joueur doit pouvoir assimiler les règles du jeu en un temps minimum : pas de manuel de jeu, pas de tutoriel trop long, pas de choses trop complexes à retenir, pas de calculs compliqués à faire, pas de fonctionnalités avancées (par exemple sauvegarde automatique et non manuelle de la progression), etc.

Cela ne veut donc pas dire que les épreuves que devra surmonter le joueur seront faciles.

  • Une courbe d’apprentissage logarithmique

Déjà il faut définir ce qu’est une courbe d’apprentissage : L’abscisse (la ligne horizontale) représente le temps que passe le joueur sur le jeu ; l’ordonnée (la ligne verticale) représente le niveau du joueur et dont la valeur maximale représente la maîtrise du jeu par le joueur. La forme de la courbe sera donc une représentation de l’évolution de l’apprentissage du joueur.

Une courbe logarithmique, pour faire simple, c’est une courbe qui croit très vite au départ et dont la croissance ralentit ensuite (les mathématiciens vont me taper dessus, car une courbe n’est pas logarithmique par la forme mais par la formule qui lui est associée, mais on peut me concéder cette définition de vulgarisation, non ?).

Courbe logarithmique

Une courbe logarithmique (source : Google Images)

En prenant la courbe de l’image ci-dessus, imaginons que l’abscisse t représente le temps que passe le joueur sur le jeu, l’ordonnée i le talent du joueur sur ce jeu et V/R le point où le joueur maîtrise le jeu et ne peut pas devenir meilleur. (Ne cherchez pas un sens à V/R, cette image sort de Google Images, elle vient d’un contexte qui n’a rien à voir avec ce qui nous intéresse aujourd’hui).

Vous allez me dire : « ok mais le rapport avec la choucroute, c’est ? ». Eh bien c’est une incidence directe avec la forte accessibilité : il faut que le joueur puisse être « efficace » dans le jeu en un temps très court. Si les règles sont faciles mais que le joueur met 15 parties avant d’en gagner une seule, il y a de quoi le décourager non ? Imaginez que vous appreniez les échecs, les règles sont plutôt simples, mais qu’en face on vous met un ordinateur de niveau « maître » à chaque partie. Vous ne jouerez pas aux échecs bien longtemps.

En revanche, bien que le joueur devienne rapidement efficace, cela ne veut pas dire qu’il ne pourra plus s’améliorer. Si on reprend l’exemple de Zuma Deluxe, là où un joueur après quelques parties pourra terminer facilement le premier niveau entre 1 minute et 1 minute 30, un joueur très expérimenté mettra quant à lui moins de 20 secondes pour finir ce même niveau.

Encore une fois, cela ne veut donc pas dire que tout le jeu sera facile pour le joueur. Dans le cas des échecs, il faudra beaucoup de parties à un joueur pour battre une IA niveau « maître ».

  • Un ratio E/T proche de 1.

Euuuh… c’est quoi ça un ratio E/T ? Proche de 1, de quoi tu parles ?

Le ratio E/T, je l’ai déjà mentionné dans un (ou plusieurs ?) de mes précédents articles : il s’agit de la division « Temps de jeu effectif (E) » sur « Temps de jeu total (T) », donc E/T.

Le temps de jeu effectif est le temps que passe le joueur à pratiquer le cœur de jeu et le temps de jeu total c’est la durée totale de la partie. Par exemple : si je fais une partie d’initiation (d’un jeu quelconque) de 3 minutes et que pendant ces 3 minutes il y a 2 minutes 30 de lecture de tutoriel, alors mon temps de jeu effectif sera de 30 secondes et le temps de jeu total sera de 3 minutes.

Je peux ainsi calculer le ratio E/T : 0,5/3 = 0.17 (Pourquoi 0,5 ? Ben parce l’unité c’est la minute et que 30 secondes c’est la moitié d’une minute, on ne va pas diviser en base 60 !)

Vous l’aurez donc compris, un ratio E/T proche de 1 signifie que l’on passera beaucoup de temps à jouer sur tout le temps qu’on consacre à notre session de jeu (cela inclut le chargement du jeu, des sauvegardes, des niveaux, des temps passés dans les menus…). Pour un jeu comme Zuma Deluxe qui se charge très vite et où on peut lancer une partie en quelques secondes, le ratio E/T sera d’environ 0,99 ; parfait !

LES ÉCHECS, CASUAL OU PAS ?

J’ai parlé du jeu d’échecs, mais peut-on vraiment le considérer comme casual ?

Jeu d'échecs

Jeu d’échecs (source : Google Images)

  • Une partie, c’est long n’est-ce pas ?

Une partie aux échecs, c’est traditionnellement beaucoup plus de 10 minutes pour le tout venant. Mais si la partie est sauvegardée automatiquement entre chaque coup, alors on peut recommencer et s’arrêter quand on veut : la durée d’une partie devient donc celle qu’il faut au joueur pour jouer un coup ; le match en entier représentant une sur-partie.

  • Ok les règles du jeu d’échecs, c’est pas super compliqué, mais quand même il faut retenir les mouvements des pièces, les exceptions, les mouvements interdits… Alors ?

Si un logiciel de jeu d’échecs permet d’afficher les possibilités de mouvement de la pièce quand on la sélectionne, d’afficher les cases où l’on pourra se faire capturer si l’on s’y déplace dessus, d’afficher les pièces adverses qu’on pourrait capturer… il est alors très facile de prendre le relais sur la mémoire du joueur et sa vision globale du plateau.

  • Il ne faut que quelques parties pour devenir efficace aux échecs ?

Il s’agit d’un jeu multijoueur, donc l’efficacité dépend du niveau de l’adversaire. Il suffit de proposer des IA de toutes difficultés, d’indicateurs qui expliquent au joueur si son coup est plutôt bon ou plutôt mauvais, etc. Il ne faudra alors pas longtemps au joueur pour reconnaître s’il est en bonne position ou pas : Mon roi est-il facilement menacé ? Ai-je plus de pièces que l’adversaire ? Ai-je plus d’armes que l’adversaire (diversité des pièces, nombre des non-pions)… Ce sont des choses qu’il remarquera assez instinctivement.

  • Le ratio E/T est-il proche de 1 ? Il y a beaucoup de temps morts pourtant.

Très proche : le seul moment où on ne joue pas, c’est quand l’adversaire réfléchit. Étant un jeu de stratégie, notre propre réflexion rentre dans le temps de jeu effectif. Avec les capacités des ordinateurs d’aujourd’hui, les IA jouent assez rapidement voire instantanément (oui vous allez me dire que c’est pas forcément vrai, tout dépend du niveau maximal qu’on veut leur donner le jeu d’échecs étant un jeu combinatoire ; mais là on parle de niveaux accessibles au commun des mortels).

Bref comme on peut le voir, bien que le jeu d’échecs n’était pas pressenti pour être un jeu casual, au final on se rend compte qu’en faisant un jeu vidéo adapté pour ce public, il peut très bien le devenir, et pas seulement contre une IA ! Pour moi le jeu d’échecs est bon exemple du jeu casual qui n’a rien de facile : il répond à tous les critères et pourtant tout le monde s’accordera pour dire qu’il existe des grands maîtres aux échecs qui ne seront jamais battus par 99% des joueurs d’échecs du monde entier.

LA RÉPUTATION DES « CASUS »

Néanmoins, si la réputation du « casual » et des « casual games » est telle qu’elle est, c’est parce que la majeure partie des « casual games » vise plus spécifiquement le grand public, en plus du casual. C’est seulement le résultat d’un amalgame entre les poires et les carottes qui amène beaucoup de gens à croire que quelqu’un qui joue peu a besoin d’un contenu facile.

Par exemple, à l’heure où j’écris ces lignes, l’article Wikipedia sur le Casual game indique :

Jouer est valorisant même avec un faible niveau : score important dès le début, faible difficulté, chance, santé automatiquement régénérée, bonus fréquents, félicitations au moindre succès…

Il est quasiment impossible de perdre : un mauvais joueur persévérant finira juste le jeu plus lentement.

Ce ne sont PAS des caractéristiques d’un jeu destiné à un public Casual, mais des caractéristiques d’un jeu destiné à un grand public. Et comme on l’a vu tout au début de l’article, un professionnel peut être un casual… il s’en fout que le jeu soit valorisant ou quasiment impossible à perdre ! Au contraire, il peut aimer les challenges et les jeux très punitifs.

(D’ailleurs c’est dingue ce que cet article de Wikipédia contient comme bêtises… oui oui, lâchez-vous à me dire que j’ai qu’à le réécrire moi-même.)

CONCLUSION

Conclusion brève, qui ne fait répéter que ce que l’on a déjà dit ; quatre caractéristiques :

  • Une durée de partie très courte
  • Une forte accessibilité
  • Une courbe d’apprentissage logarithmique
  • Un ratio E/T proche de 1

Aucun lien avec une courte durée de vie et une difficulté faible (i.e. existence du niveau maître aux échecs).

Ne faites plus l’amalgame « casual » et « débutant »… si un joueur que vous rencontrez dans votre jeu préféré est nul, ce n’est pas forcément parce que c’est un casu, c’est juste un « noob » ! Et inversement, ce n’est pas parce qu’il a moins progressé que vous que c’est un noob, il est possible que ce soit juste un casu… mais meilleur que vous !

(Noob vient de l’anglais newbie = novice, débutant. Ce terme a une connotation extrêmement péjorative dans la culture vidéoludique, c’est même bien souvent une insulte.)